Un cyprès au cimetière des fous
Je comprends mieux pourquoi je n'aime pas ces arbres qui m'apparaissent comme des corps noirs et dramatiques, sans mouvements aucun. Ils sont comme des pinceaux sans couleurs attendant tristement la palette d'un printemps qui ne vient pas.
Laurence
Le cimetière des fous (Akela, le clan des loups)
"Je dois dire que la première fois que je l’ai vu, je n’y avais pas prêté attention, je croyais qu’il s’agissait de celui du village, ce n’est que plus tard que je fus intrigué par le fait que toutes les tombes étaient semblables, simples croix de bois sur lesquelles ne figurait aucun nom, juste un nombre, un matricule. Il y avait quelques exceptions: généralement accolées au mur d’enceinte des croix portaient une plaque émaillée. C’était les sépultures des religieuses qui géraient le service des femmes.
Parias parmi les parias, les « fous » étaient rejetés du monde des humains jusque dans la mort, la honte qu’ils jetaient sur leur famille méritait cet indigne anonymat. Le sort de leurs dépouilles était comparable à celui des condamnés à mort qui reposent dans le carré des suppliciés des cimetières de nos préfectures. Maigre consolation pour les "fous", eux avaient quand même droit à une croix. Cette « cruauté » rendait le lieu encore plus beau par la simplicité des deux ou trois cents tombes alignées sous de grands cyprès. J’ai de suite été très mal à l’aise vis-à-vis de la présence des tombes des religieuses, je ne pouvais pas entendre le message que cela sous-tendait « Seigneur, nous avons fait vœux d’humilité, nous désirons reposer auprès des malheureux dont nous nous occupions ». J’y ai lu au contraire la manifestation du péché d’orgueil : « Seigneur voyez comme nous sommes humbles, nous nous sacrifions pour eux au delà de notre mort, nous méritons largement Seigneurs que vous nous ouvriez les portes du Paradis, nous l’avons bien mérité ». Vos tombes, Mesdames, auraient du être aussi anonymes que celles des patients pour je puisse croire à votre sincérité, car Dieu, s’il existe, n’a pas besoin de panneau indicateur émaillé pour trouver votre dernière demeure.
Par ces froides nuits d’hiver, lorsque nous nous arrêtions avec Jean-Claude, le long de la nécropole, nous regardions par-dessus de mur, dans le vain espoir d’y apercevoir un feu follet.
Il y a vingt ans, je suis retourné à saint ALBAN et je suis allé voir le cimetière, les cyprès avaient été abattu et il paraissait saccagé, abandonné, il avait perdu sa beauté « fantasmatique », il était devenu lugubrement sinistre. Quand est-il aujourd’hui ? Je ne sais, il ne me reste que le poème de Paul ELUARD, qui pendant la guerre trouva refuge au milieu des malades de l’hôpital pour échapper à la Gestapo."
« Le cimetière des fous »
Ce cimetière enfanté par la lune
Entre deux vagues de ciel noir
Ce cimetière archipel de mémoire
Vit de vents fous et d'esprit en ruine
Trois cents tombeaux réglés de terre nue
Pour trois cents morts masqués de terre
Des croix sans nom corps du mystère
La terre éteinte et l'homme disparu
Les inconnus sont sortis de prison
Coiffés d'absence et déchaussés
N'ayant plus rien à espérer
Les inconnus sont morts dans la prison
Leur cimetière est un lieu sans raison
Paul Eluard (Asile de Saint-Alban, 1943-La Lit la table, 1944)
La jeune martyre (Paul Delaroche)
INTERNEXTERNE
Un kangourou a sauté par-dessus la montagne
Son corps git maintenant dans l'espace ciel, sanglant
Un mouton tout en boucle galope sur les vagues
Le loup s'est pris un vent
Des chameaux fatigués ont déposé leurs bosses sur
le sable
Deux belles limaces bien roses glissent un sourire
baveux à la bouche du bébé
Ma fille a encore laissé trainer ses pinceaux aux cimetières
en rangs serrés
Le soleil lui a piqué sa palette et peint les gouttes de pluie
La campagne en est à son deuxième cigare depuis l'aube
L'hiver a rajouté un peu de chantilly à sa gelée
Et quand je n'ai pas mes yeux dans mes poches
Les fourmis jouent aux billes
Une fleur pousse sur mon front
Joli bouton de rose
....
- Joli bouquet dit le psy
- Je ne suis pas fleuriste moi monsieur dis-je, j'ai un grain et je me fais un tit café.
Gardez-moi ma place dans le cimetière des fous !
M'en fous